Robot Monster (1953)
Le classique des classiques du nanar. Tourné en quatre
jours ave sept acteurs et quinze mille dollars, par Phil Tucker,
un ex-Marine spécialisé dans la diffusion de films
de strip-tease à Fairbanks (Alaska), Robot Monster fait reculer
les limites de l'électroencéphalogramme plat. C'est
la fosse des Philippines de la débilité, le nadir
absolu. Un bonheur, quoi. Un gamin joue dans Bronson Canyon
avec sa petite soeur, une boulotte insupportable. Il rencontre deux
géologues dans une grotte. Quand il revient, plus tard, il
y a un poste à galène qui fait des bulles et... il
y a un monstre! Le monstre est constitué d'un casque
de scaphandrier en papier chocolat, avec deux antennes de télé
dessus, et le reste de son corps est celui d'un faux gorille. C'est
Ro-Man, un extraterrestre qui a été envoyé
pour tuer les humains avec son rayon cosmique calcinateur. Dans
le hublot du casque, on voit la tronche de l'acteur, couverte d'un
bas. Par chance, quelques humains ont survécu à
la catastrophe (plans de gros lézards et de dinosaures en
pâte à modeler, totalement inexplicables*) et se demandent
: " Pourquoi ici? Pourquoi nous? " Ro-Man regarde son
écran de télé et les menace d'une mort indescriptible
(à coups de bulles?). II expédie une fusée
dans l'espace (on voit la main du technicien qui tient le joujou,
dans un coin de l'écran) et se promène (difficilement,
vu le costume de gorille) dans les buissons. Roy, le jeune
géologue torse nu, épouse Alice, la jeune survivante
(tandis que du sang coule de son oreille. C'est dégueulasse.
On dirait du cérumen).
(l'explication est la suivante le montage
a été mal fait et cette scéne aurait dû
se passer aprés le combat entre Ro-man et Roy ou celui-ci
est blessé à l'oreille )
Finalement, Ro-Man étrangle (bonne vieille méthode)
Roy, enlève Alice et ... lui arrache son col. Puis il tue
la petite boulotte, savate Roy et, éprouvant des sentiments
humains (il se frotte contre Alice), il est condamné par
son patron, qui fait jaillir des éclairs de ses doigts velus.
On voit de nouveau des diplodocus en rillettes et des crocodiles
en bois. C'est affligeant. Non : c'est dément. Non :
c'est génial. Phil Tucker, le réalisateur de ce
film (en 3-D !), prit très mal l'insuccès de son oeuvre
et fit une tentative de suicide. Après quelques semaines
passées dans un hôpital pour déprimés,
il s'embarqua pour une nouvelle carrière de documentariste
olé-olé (New York après minuit, Bangkok après
minuit, etc.) et réalisa en 1980 Nude Bomb, avant d'effectuer
le montage de Charlie Chan and the Curse of the Dragon Queen. Jusqu'aujourd'hui,
il reste persuadé d'avoir fait " un grand film ".
John H. Greenhalgh, le directeur photo, a signé la série
de Lone Rider et de Billy The Kid dans les années 40, et
possède à son palmarès un autre nanar de luxe,
Reefer Madness (1938), fiction abrutie sur les dangers de la drogue.
Le scénariste de Robot Monster, Wyatt Ordung, avait joué
le rôle de Fitz dans Baïonnette au canon de Samuel Fuller
et réalisa en 1954 Monster from the Ocean Floor. Quant
aux acteurs, c'est encore plus bigarré : George Barrows (Ro-Man)
était le comédien spécialisé dans les
rôles de gorilles à Hollywood (il amena donc son costume
gratuitement. D'où le look velu de l'extraterrestre). George
Nader (Roy) poursuivit avec ardeur une carrière nullissime
et écrivit un roman, Chrome, avant d'être désigné
par Rock Hudson comme héritier d'une partie de son argent.
L'amant en titre de Rock Hudson fit un procès et gagna. Selena
Royale (la maman) était l'auteur de A Gringa's Guide to Mexican
Cooking.
Robot Monster : l'étoile du Berger de l'amateur de nanar.
Un modèle souvent imité, mais, hélas, jamais
égalé.
* Les stock-shots proviennent de "Tumak,fils
de la junqIe" (1940), et seront encore utilisés par
Roger Corman dans "Teenage Caveman"
François Forrestier "Le Retour
des 101 Nanars" Denoêl - 1997
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